Dans ce nouvel article, Michel Seyrat, nous rappelle, par une plongée dans l’histoire, que dans le domaine de la culture aussi les approches coopératives sont les meilleures pour assurer la réussite…
Il y a 400 ans, en janvier 1622, naissait Molière. En quoi cela concerne-t-il ce site consacré à la coopération ? C’est que, à y regarder de plus près, les troupes de comédiens au XVII° siècle fonctionnaient comme de véritables coopératives, si on accepte l’anachronisme du mot. Et ce type de fonctionnement n’est pas courant à l’époque à part les Fruitières du fromage de Comté ( pour une meule, il fallait entre 400 litres de lait, donc plusieurs troupeaux ) ou l'Association des cordonniers fondée en 1645 par Michel Buche, communauté de cordonniers qui travaillaient et mangeaient en commun, et distribuaient aux pauvres le surplus de leurs bénéfices.
En effet les compagnies théâtrales, comme celles de Molière, ont un fonctionnement qu’on qualifierait aujourd’hui de ”coopératif ”. Elles se constituent généralement avec un acte notarié précis qui détermine la répartition des taches et des finances. Ce sont des sociétés où les comédiens détiennent des parts, demi-parts ou quarts de parts. Cette répartition est déterminée par l’importance du rôle (ou la célébrité) du membre, ou bien quand il s’agit d’un couple, etc. Généralement l’auteur a droit a une part.
Après chaque représentation, le comédien trésorier prélève sur la recette les frais de la séance (location de salle, portier, transports, chandelles, etc) et distribue sur le champs le surplus au prorata des parts. Le célèbre registre de La Grange, entré dans la troupe de Molière à Paris en 1659, enregistre tout cela avec grand soin. Il note même que Monsieur, frère du Roi avait accordé une pension de 300 Livres pour chaque comédien, mais ”que les 300 Livres n’ont pas été payées. ” Rien de nouveau sous le soleil !
Tous les mois, la troupe se réunit pour contrôler les comptes, faire des remarques de gestion, et tous les acteurs et toutes les actrices ont la même voix délibérante, quelles que soient leurs parts. Chaque troupe répartit aussi les rôles ”administratifs” : prévoir la publicité, organiser les tournées, les déplacements (il y a toujours beaucoup de ”volume”), les hébergements, les rétributions promises (mais souvent difficilement réglées), ces représentations commandées par des grands seigneurs ou des villes étant indispensables pour assurer l’équilibre financier des troupes, les représentations régulières n’étant pas toujours assez rémunératrices.
Enfin les compagnies débattent régulièrement de leur ”programme” : auteurs, type de pièce, selon le public visé et les besoins financiers à assurer… On dit que Molière est devenu l’auteur qu’on sait aussi par la nécessité d’assurer des revenus suffisants aux comédiens de sa troupe dont il était à la fois directeur, metteur en scène, représentant, auteur et acteur ”vedette”.
Aujourd’hui de nombreuses structures culturelles suivent un modèle équivalent et la Comédie Française fonctionne au XXI° siècle comme au XVII°, avec des sociétaires et des pensionnaires qui coopèrent… pour le plus grand plaisir du public.